Prix HSBC — Laura Pannack & Mélanie Wenger
Depuis plus de vingt ans, le Prix HSBC met en lumière des artistes émergents en récompensant chaque année deux photographes professionnels n’ayant pas fait l’objet d’une monographie éditée. Véritable institution engagée auprès des artistes, le prix offre à chacun de ses lauréats l’occasion entre autres, d’organiser cinq expositions dans toute la France et de publier une monographie aux Actes Sud.
Depuis 1996, une quarantaine d’artistes (ou collectifs) âgés en général d’une trentaine d’années et, c’est assez rare pour le préciser, une majorité de femmes primées, reflètent une sélection diversifiée, du reportage à la photographie abstraite, HSBC célèbre toutes les formes de photographie. Parmi eux, des noms tels qu’Eric Baudelaire, Valérie Belin, Noémie Goudal (dont on a pu voir la très belle exposition l’an dernier au BAL) Eric Prinvault ou Seton Smith.
Cette année, ce sont Laura Pannack et Mélanie Wenger qui ont reçu le prestigieux prix, deux photographes qui repoussent les frontières de la photographie documentaire pour y distiller une sensibilité qui transcende leurs sujets.
Laura Pannack (britannique, née en 1985)
Lauréate de nombreux prix, Laura Pannack déploie une œuvre photographique particulièrement séduisante qui se fixe un objectif aussi documentaire que psychologique. Spécialiste des portraits, cette grande technicienne pose un regard plein d’empathie sur ses sujets, s’attachant autant à révéler les conditions sociales, les modes de vie singuliers que l’évidente beauté plastique de son médium. À travers ses images, la photographe s’implique et questionne son propre rapport aux autres, sa place face aux histoires dont elle rend compte, dans la dimension instantanée de la prise de vue. Son travail l’a ainsi conduite à côtoyer de nombreux mondes qu’elle tente avec force de rendre dans une attention constante du détail et une minutie rares. Pour sa série, Youth without Age, Life without Death, elle convoque la mélancolie inhérente à la jeunesse, cette expérience de la vie vouée à la disparition. Entre romantisme et véritable difficulté du passage vers l’inconnu, sa série s’attache à des personnalités qu’elle rend avec une force étonnante. Elle souligne surtout ce qui « manque ».
Mélanie Wenger (française, née en 1987)
Chez Mélanie Wenger, la gravité va de pair avec la beauté. Chaque photographie se fait territoire d’expérimentation esthétique en conjuguant une attention minutieuse aux conditions de vie de ses sujets tout autant qu’à la façon d’en rendre compte, d’offrir un témoignage sensible de l’expérience de rencontre. Résonne au sein de ses compositions de très haute tenue une actualité vibrante ; Mélanie Wenger suit depuis plusieurs années le quotidien de peuples exposés aux guerres et à leur conséquence, notamment à travers un reportage réalisé en Libye ainsi qu’à Malte, au cœur de multiples flux migratoires. Une pluralité de centres d’intérêt qui se rencontrent et témoignent de l’œil singulier d’une photographe qui laisse transparaître une réelle implication dans ses choix de cadrages, d’angles qui, d’absences en présences, mettent toujours ses sujets à l’honneur tout en parvenant à glisser subrepticement sa subjectivité.
Photographe documentaire expérimentée, Mélanie Wenger s’écarte ainsi des chemins tracés pour plonger dans la vie d’êtres à la marge, de plain-pied dans un monde qu’ils se sont créés, à l’image de Marie-Claude, au centre de la série qu’elle présente pour le prix, cette « Dame aux poupées » enfermée dans un microcosme qu’elle bâtit minutieusement, hors de toute temporalité. Loin du voyeurisme, cette série révèle la fragilité et la singularité d’une existence parallèle et soulève, à travers sa beauté plastique, les nombreux paradoxes qui jalonnent ces vies aussi émancipées des attendus sociaux que prisonnières de leur complexité.