Cy Twombly, On Paper — Galerie Karsten Greve
Il fallait croire en lui. Le galeriste Karsten Greve l’a fait. D’aussi loin que démarra la carrière de Cy Twombly, il le représenta haut et fort, bravant les critiques les plus dures émises à l’endroit de l’artiste à ses débuts. Le temps a gommé les premières ombres qui planaient sur ses œuvres et le peintre, auréolé d’un caractère quasi-sacré, illumine deux ans après sa disparition, cette exposition menée dans la délicatesse et la surprise.
Cy Twombly — On Paper @ Karsten Greve Gallery from October 12, 2013 to January 4, 2014. Learn more La première salle est un éclat où les toiles renvoient une lumière diffuse. Largement claires, il n’y figure parfois presque rien. Comme des îlots, seuls quelques traits de crayons ou de pastels ici ou là nagent parmi de larges coups de pinceaux de peinture à l’huile de couleur crème. Marque de fabrique si l’on ose de Cy Twombly dès la fin des années 50. C’est le cas de Sperlonga (1959) qui plonge immédiatement dans l’univers faussement enfantin et sérieusement artistique de celui que l’on associa volontiers aux graffitis. Rapprochement tout naturel car il travaille sur l’écriture et le mouvement au même moment où d’autres griffent les murs de la ville. A ceci près que Twombly ne se tourne pas vers l’espace public.La griffe, l’éraflure (« graphium » en latin) revêt de plus chez lui une quête primitive. La recherche du balbutiement qui fera écho sur la toile. Le mot premier, dans une veine presque rupestre. Aussi, fixe-t-il sur le papier un geste dubitatif de ses boucles légères infinies, figures naïves et indécises d’écolier qui tue le temps. Il cercle l’espace de sa création d’une voix qu’il veut matérialiser par le dessin et la peinture. Calligraphie lointaine qui puise son origine dans les fresques antiques. Plus loin, ses œuvres des années 70 sont merveilleusement amenées. On y décèle des agrafes, du film adhésif translucide, où fusain et pastel forment des trompe-l’oeil baignés de pénombre (Untitled, 1973).
Twombly est passé du clair au noir. Il s’inspire ici des tableaux fixés dans les salles d’écoles. Sublime réminiscence de l’apprentissage d’une calligraphie à retrouver, reproduire, imiter puis connaître. Voilà pourquoi Cy Twombly a tant choqué puis tant plu. Il fallait accepter de voir en un même temps la quête et les retrouvailles, comme s’il avait fallu écouter un penseur qui pense en même temps qu’il parle.