Dora Garcia — Galerie Michel Rein
Cinquième exposition de l’artiste à la galerie Michel Rein, présentée du 25 mars au 13 mai, Écrits poursuit les recherches d’une artiste qui se concentre sur l’individu, sur l’intime d’une relation du spectateur au dispositif.
Fortement empreint de littérature, l’œuvre de Dora Garcia trouve avec cette exposition une présentation à la hauteur de qualité de ses recherches. Écrits mélange mots et formules au mur avec un projet de film qui constitue la pièce majeure de l’exposition, autour de la liberté dans une société de surveillance. Basée sur la nouvelle de Julio Cortázar, La Deuxième Fois, cette production de haute tenue nous confronte à une administration dont la banalité apparente se mue progressivement en une inquiétante entreprise du doute et de la crainte. Les rencontres fortuites qui naissent de sa confrontation deviennent alors des opportunités de sociabilisation et de partage face à l’oppression. Indépendante et dotée d’une vie propre, la caméra suit son propre chemin à travers la succession de salles, s’arrête sur des détails, capture des discussions intimes entre membres du bureau, des regards furtifs dans les méandres de cette administration. Jouant sur l’ambivalence d’une protagoniste qui se plie à l’exercice, la dureté et l’implication de l’interrogatoire devient alors modèle de mise en scène du vertige de l’angoisse.
Hypnotique et intelligente, cette plongée au cœur de la machine à broyer l’identité nous confronte directement au sujet, thème central des recherches de l’artiste pour Écrits. À travers les figures tutélaires de Joyce et Lacan, Dora Garcia explore la plasticité du sujet, son impossible limitation à une force agissante, maître de sa volonté pour le dévoiler comme un pont magnétique entre plusieurs « autres » qui le font et le défont. Réceptacle des différences du monde, il devient un objet de réflexion pour un visiteur qui se voit confronté à des éléments scéniques abandonnés, précisément dépouillés de leur sujet et confronté à cette phrase en forme d’aphorisme « Nous ne parvenons jamais à des pensées, elles viennent à nous ».
Une évocation de la « vie intime » des idées qui traversent des sujets auxquels il appartient de les faire émerger pour être plus à même de se comprendre et de s’envisager dans la forêt d’ « autres » qu’il habite. Et finalement plus encore, de se réapproprier ces contenus de sens, les fictions comme les vérités pour à son tour écrire de nouvelles formes, à l’image des ouvrages de Jacques Lacan exposés ici, couvertures fermées, qui côtoient leurs doubles, couvertures vierges.
Dora Garcia, Écrits à la galerie Michel Rein, Paris, du 25 mars au 13 mai.