Gerhard Richter — Panorama
Richter se positionne en descendant d’une longue filiation picturale, « l’héritier, dit-il, d’une immense, fantastique et féconde culture de la peinture que nous avons perdue, mais dont nous sommes redevables. » Que nous avons perdue ? Qu’il s’agisse d’un simple constat ou d’un regret, son assertion montre à elle seule la volonté de Richter de s’inscrire dans la continuité.
Il marque peut-être par là aussi une forme d’opposition à la défaite de la peinture, tronquée qu’elle fût, dans la première modernité, de sa vocation purement artistique. En témoigne son Nu sur un escalier qui répond explicitement au Nu descendant un escalier de Marcel Duchamp (1912), dont Richter reprend le titre mais non le traitement. Là où le cubisme du créateur des ready-made permettait d’intégrer le mouvement du cinéma encore balbutiant, on trouve chez Richter un réalisme, aux contours flous certes, mais qui conserve une exigence rétinienne, conventionnelle.
Est-ce à dire que le peintre allemand prônait une déconstruction du réel plus valable que la réponse qu’avait pu offrir le mouvement futuriste ? Il est certain en tout cas que sa posture restera jusque dans l’abstraction résolument classique. Car classique, il l’est évidemment dans son mouvement de retour vers le romantisme allemand mais il l’est tout autant lorsqu’il peint dans un geste libératoire Jaune-Vert, clin d’œil à l’expressionnisme abstrait.
Une esthétique contemporaine par ses codes donc, mais dont la manière et l’esprit restent fidèles à un autre temps. Ou encore, une élégance immanente dont l’incarnation subtile serait celle d’une tradition implicite, intégrée, fondue dans la matière. Car l’accès à la modernité chez Richter se fait dans la perfection, maître mot du classicisme au XVIIème siècle.