Art Paris 2021 — Grand Palais Ephémère
Première grande foire artistique à investir la structure éphémère du Grand Palais, Art Paris 2021 est également l’une des premières à se dérouler dans un climat sanitaire mieux maîtrisé qui donnera donc le ton d’une nouvelle saison aux cartes rebattues. Tour d’horizon et impressions à vif de cette nouvelle édition.
Devenue, malgré elle donc, l’événement majeur que de nombreux acteurs du monde entier observeront avec attention (Art Basel, programmée également pour septembre, multiplie actuellement les déclarations pour rassurer ses participants), elle constitue un baromètre précieux pour les temps à venir. Mais plus encore, malgré quelques éditions en demi-teinte et une identité toujours difficile à lire, la foire attire à elle cette année une multitude de nouveaux participants enclins à rattraper les occasions manquées depuis plus d’un an et demi avec leur public.
Sur les 140 exposants issus d’une vingtaine de pays différents, ce sont près de 40% de participants nouveaux (ou renouvelés). L’organisation, forcément contrainte, présente toutefois une forme d’équilibre avec des secteurs bien identifiés de galeries, entre les poids lourds Lelong & Co, Almine Rech, Templon, Thaddaeus Ropac, Continua et Perrotin, les signatures fortes telles que Jeanne Bucher Jaeger, Art : Concept, Les filles du calvaire, Frank Elbaz, Martine Aboucaya, Claire Gastaud et Suzanne Tarasieve. Des plus jeunes et tout aussi singulières galeries Sator, Anne-Sarah Bénichou, Derouillon soignent la transition avec le secteur « émergent » intitulé « Promesse », un peu plus discret ici.
Allégées également les promesses éditoriales d’une programmation qui ambitionnaient de proposer de véritables parcours thématiques au sein des œuvres défendues par ses participants. Un équilibre forcément difficile qui tente toutefois de se matérialiser avec une vingtaine d’expositions monographiques et un parcours au sein même des stands pensé par Hervé Mikaeloff autour du renouveau de la peinture figurative et du portrait. On aura connu plus pertinent et réactif mais l’intention est louable et maintient un certain fil conducteur malgré l’aspect hautement prévisible des œuvres sélectionnées et l’incapacité de l’ensemble à les inscrire dans un mouvement qui en révélerait une nouvelle dimension…
L’espace d’exposition, bien travaillé avec des zones où le bitume est à découvert, laissant entrevoir une architecture intelligente et des effets de lumière malins sert des propositions fines parmi lesquelles nous retenons, sans désir d’exhaustivité, les belles réussites de la galerie Almine Rech, Lelong & Co., Les filles du calvaire, Suzanne Tarasieve, Paris-Beijing ou encore Nathalie Obadia qui font vivre peintures et sculptures, images et volumes dans des ententes claires et séduisantes. Fou et fabuleux, le stand de la galerie Loevenbruck, orchestré par Jakob Lena Knebl détonne pour le meilleur.
Une édition qui confirme les tendances de ces dernières années avec moins de monumental et une figuration libre, une forme d’expérimentation ornementale influencée par le végétal qui brise la ligne entre figuration et abstraction. Sans grandes prises de risques, les cimaises accueillent nombreux noms découverts ou précisément manqués ces derniers mois, laissant un sentiment assez singulier de flottement entre des œuvres d’une grande cohérence, appartenant à des séries à maturation longue et l’urgence de faire place à tous les artistes lésés par ces mois de suspension. Certaines galeries auront fait néanmoins le pari du solo-show, assez périlleux cette année, quand les focus et présentations de plusieurs œuvres d’un même artiste nous auront mieux convaincus. Marcus Jansen chez Almine Rech, Alechinsky chez Lelong & Co, Martha Jungwirth chez Ropac, Tapies chez Mayoral, Coraline de Chiara chez Claire Gastaud mais aussi une rencontre tout aussi inattendue que fructueuse entre les œuvres de Morgane Tschiember et Caroline Corbasson sur le stand de la galerie Laurence Bernard, Genève. À noter encore l’échange réussi entre Kris Knight et Edi Dubien sur le stand Michel Rein.
En matière de présentation, la première partie, plus sélective offre une déambulation ouverte et aérée propice à ce genre d’événement qui maintient une certaine chaleur tout en donnant une excellente visibilité aux œuvres. La seconde partie en revanche, présentant de nombreux stands en enfilade nous rappelle aux réalités du salon et écrase les perspectives pour enchaîner malheureusement avec moins de réussites des propositions plus hétéroclites.
La nature d’Art Paris et sa volonté de maintenir l’équilibre entre les projets d’artistes au long cours et les pratiques plus tournées vers l’impact visuel se rappelle à notre bon souvenir. En termes purement architecturaux, l’ouverture par l’arrière sur le patio face à la Tour Eiffel atténue un peu l’effet couloir et sa perspective sauve un agencement qui aurait pu se révéler plus périlleux.
Au final, Art Paris offre un salon bien mené, remplissant avec sobriété son rôle précieux de baromètre de la rentrée qui, à tout le moins, augure d’une saison plus apaisée et des acteurs d’une humeur particulièrement enjouée. D’autre part, on salue surtout le courage des organisateurs et participants d’avoir mené un projet qui étrenne de nombreuses nouveautés, supposant de nombreux risques d’image et d’avoir su insuffler une énergie qui, si elle ne joue pas avec les limites et n’impose rien de radical, éblouit par sa belle consistance.
Art Paris 2021 en images :