Barbara Probst — Le BAL
Le BAL présente la première exposition à Paris de l’artiste allemande Barbara Probst qui investit ses espaces jusqu’au 25 août.
Pour sa première exposition en solo à Paris, Barbara Probst présente une sélection de sa série Exposures. Un travail photographique qu’elle mène depuis plus de vingt ans. Expression tautologique ? Exposition, pause, révélation, dénonciation, mise à nu, découverte, scandale. Les traductions en français du mot évoquent les liens ambigus qu’entretiennent la photographie et la réalité d’un événement. 1990. La première Exposure a lieu sur un toit, à New York. Barbara Probst se photographie en train de sauter (un petit saut) en multipliant les prises de vue. De cette multiplication naît l’étalement spatial de la seconde. L’instant est enrichi de la pluralité des perspectives et s’offre au regard, une fois accroché, comme une vision fragmentée, reconstruite mais encore, à construire.
Le spectateur adopte tour à tour les points de vue de chaque image, à la manière d’un jeu de piste. Il refait l’enquête, scrute, se déplace, recompose mentalement. Il a besoin de comprendre, de lire les correspondances. Il interroge les indices, élimine l’impossible, jauge les positions comme des propositions. Chaque série est un espace à parcourir à la recherche de la cohérence. La substance de la série naît de l’interrelation des images individuelles. Aucune n’étant plus « vraie » que l’autre. Le spectateur reconstruit au-dessus de la perturbation, de la désorientation. C’est son aptitude à connaître un sujet en le voyant qui est en jeu. La perception de l’image questionne son autorité quant à sa capacité à représenter un fait. Le spectateur expérimente la vraisemblance de l’image et, par là, questionne la validité de son propre regard. La même action, prise à des distances ou selon des angles différents, est soulignée par des lectures plurielles voire contradictoires. Ce sont les ponts invisibles de la recomposition qui relient entre elles les images isolées.
Entre ce qui a été imaginé et ce qui est survenu naît encore un espace, laissé au hasard, dans une tentative de reconstruire le réel. Car si la mise en scène tente de le minimiser, elle l’invite avec joie au moment du déclenchement. « Bien que je cherche à tout contrôler, je reste très consciente de ma capacité à ne voir qu’un seul point de vue. » écrit l’artiste qui prépare ses prises de vue avec un soin millimétré. En témoigne particulièrement Exposure #139, avec son alignement de pieds de table. Ici, ce n’est pas l’action qui est prise en simultané, puisque la scène a « été ». Le spectateur découvre le signe d’un ancien mouvement et de l’éparpillement qui a suivi. Éparpillement désormais immobile.
Rupture avec la narration classique. Cinématiques plus que narratives, les Exposures racontent à partir de leurs trous, de leurs non-dits, de ce qu’elles ne donnent pas à voir, des espaces qu’elles nous demandent de retracer. Les récits ne s’y développent pas, malgré leur parallélisme et leur recoupement. Chaque image est une possibilité, un élément de dialogue, une interprétation parmi les autres mais qui a toute sa place. La réalité s’évanouit, secondaire, devenant « une donnée hors de propos », selon l’artiste, influencée par les écrivains et les réalisateurs des années 1960, Alain Robbe-Grillet ou Jean-Luc Godard. « Seules restent les images, telles une façade se tenant devant du vide ».
Avec ses Exposures, Barbara Probst nous offre autant de puzzles à recomposer. La photographie, envisagée dans ses dimensions spatiales et temporelles, à la manière d’une sculpture, donne naissance à des scènes à la narration délibérément avortée, où l’intime et le sentiment de réalité se démultiplie. Où l’envers du décor y est aussi visible que le résultat.