
Kate MccGwire Galerie Les filles du calvaire, Paris
Dans son exposition à la galerie Les filles du calvaire, l’artiste britannique Kate MccGwire transforme plumes et rebuts en formes organiques envoûtantes, interrogeant notre lien au vivant et à la fragilité du monde naturel.
Kate MccGwire a passé son enfance dans les Norfolk Broads en Angleterre, région de zones humides et a été marquée par les voies d’eau serpentines et par la faune qui y habite. Ces moments ont influencé sa pratique artistique, profondément sensible au cycle du vivant. Elle s’intéresse aux matériaux mis au rebut et en imagine de potentiels usages. Travaillant au plus près des éléments naturels, l’artiste observe le vent qui façonne la surface et les reflets des arbres qui ondulent et se déforment à chaque rafale.
La première étape de son travail à partir des plumes, qu’elle récupère auprès de fermiers et de gardes-champêtres, consiste à les nettoyer, à les trier par forme et couleur. D’une manière assez instinctive, Kate MccGwire compose des formes entrelacées, en contorsion, utilisant les plumes de la même manière qu’un peintre emploierait des pigments. Ses gestes lents et méditatifs résultent de son observation aiguisée des oiseaux communs. Face à ses œuvres se ressent une forme de fascination mêlée d’un trouble. Leur apparence organique fait naître des sensations ambigües, entre une conscience de notre propre corps et des tentatives de nous connecter à des êtres en pleine métamorphose. L’incompréhension demeure face à ses sculptures dont on ne sait de quel animal il pourrait s’agir. Une énergie interne se perçoit également. Les œuvres de sa série Sissure révèlent une sorte de déchirure, de blessure, de cicatrice. Une manière d’engager tout en même temps l’émotion forte et la prise de conscience de notre propre fragilité.
Pour l’artiste, il est nécessaire que le spectateur puisse se projeter dans différents mondes, allant du micro au macro, à songer aux règnes, animal, humain et végétal. Ses créations onduleuses contenues dans des globes s’apparentent autant à des formes animales qu’à des entrelacs, à des réseaux, à des muscles. A l’intérieur des vitrines réalisées sur mesure, en référence au langage des muséums d’histoire naturelle, ses sculptures, qui semblent encore vivantes, se trouvent comme étriquées, emprisonnées : une impression visuelle comparable à une sensation d’étouffement. On songe notamment aux animaux en cage et à leur transport en caisse. Ses œuvres les plus récentes Torque, Pinion et Vetch s’apparentent à des lianes qui prennent appui sur des formes géométriques coniques réalisées à partir de chutes de bois, de l’acajou récupéré d’une ancienne vitrine, du contreplaqué d’une caisse abandonnée et du pin d’un cadre démonté. Elles épousent ces structures à la manière de végétaux qui ont la faculté de se relier à d’autres.
Sa nouvelle série Glitch, des dessins collages, réalisés en technique mixte avec de l’encre issue de rejet de gaz d’échappement, montrent des trames, un mouvement, des oscillations. On saisit de possibles reflets, des vibrations, des jeux de lumière. À nous de reconstituer mentalement l’image de départ. On peut également deviner des formes cellulaires relevant du microscopique ou d’autres plus proches de l’univers cosmique.
Dans ses œuvres de la série Whelm (permeate), chaque plume est disposée selon sa courbure, dans un sens et un rythme suggérant des flux, des remous que nous saisissons grâce aux irisations. Ces paysages d’eau incitent à prendre le temps de s’évader, à observer les variations de lumière qui influent sur les teintes de ce milieu en perpétuel changement. Sa proximité avec l’eau se retrouve également dans ses délicats dessins de flux allant dans toutes sortes de directions, à l’image de ce que l’artiste observe depuis son atelier.
Une observation qui se voit retournée dans la captation de notre attention par ses œuvres Throb, Vibrate, Maelstrom et Blister, composées de plumes de couleurs dont les courbes, là encore rentrent dans le processus même de création. Celles-ci nous attirent comme pour nous parler et nous inciter à nous interroger sur notre attitude vis-à-vis des êtres vivants non-humains.
Poursuivant son travail autour de l’usage de matériaux de rebut, l’artiste s’empare de résidus issus de l’utilisation d’une imprimante 3D. Fascinée par ces structures en plastique PLA translucide et recyclable à l’apparence organique, elle y voit des modules arqués et tronqués à partir desquels elle compos une sorte de forêt mystérieuse, où les reflets donnent une impression d’infini. Là encore, elle met en jeu croyances et perception en interrogeant nos usages des matériaux et en leur redonnant une autre vie.
Chaque œuvre de Kate MccGwire émane d’un temps long, d’une extrême patience et nous invite à prêter attention aux plumages des oiseaux ainsi qu’aux milieux naturels que nous fréquentons au quotidien. Une attention à cultiver pour développer notre curiosité et prendre soin de ceux-ci, réserves essentielles d’une biodiversité à laquelle les œuvres de l’artiste ne cessent de nous renvoyer.
Kate MccGwire, Glitch à la galerie Les filles du calvaire, Paris, du 26 avril au 21 juin 2025.