La sélection du Mois de la photo 2012
Créé en 1980 alors que la photographie était encore parfois perçue comme un art mineur, le Mois de la photo, trente ans après, n’a plus à militer pour la reconnaissance du médium. Grand messe, rendez-vous immanquable, la manifestation propose pas moins de 80 expositions auxquelles participent galeries et institutions culturelles. Un panorama de la création, entre mythes et marges, de ses prémisses à aujourd’hui. Sélection.
Ilse Bing
En rendant hommage à Ilse Bing (1899 — 1998), femme pionnière du photojournalisme, la Galerie Karsten Greve nous replonge dans le Paris des années 30, alors épicentre mondial de la photographie. Sur trois étages, se déploie la vision d’une femme qui fit partie des premiers utilisateurs de Leica, ce qui lui valut d’ailleurs le surnom de « reine du Leica ». La maniabilité de ses appareils permet des prises de vue nouvelles, la portant vers des contre-plongées qui la rattachent très nettement au mouvement de la Nouvelle Vision. Paris sous ses yeux tangue et bascule. Du côté de la poésie bien souvent.
Jusqu’au 24 novembre à la Galerie Karsten Greve. En savoir plus
Moï Wer, Ci-contre
Photographe de génie, Moses Vorobeichic a choisi pour nom Moï Wer. Venu au monde dans la Lituanie du début du XXème siècle, élève de Kandinsky et Klee, installé dans les années 1920 à Paris et de retour à Vilnius pour y faire un reportage sur le ghetto juif, mêle dans ses tirages, imaginaire nostalgique d’un monde perdu et vision moderniste alors en marche. Mariage d’une force incroyable où la misère semble passée à la moulinette du Bauhaus. Aussi émouvant qu’indispensable.
Jusqu’au 23 décembre à la Fondation Henri Cartier-Bresson. En savoir plus
Richard Mosse, Infra
Réalisée entre 2010 et 2012, Infra est une série qui dérange. En utilisant un Kodak Aérochrome dont la pellicule est photo sensible et a la particularité de teinter les paysages en rose, Richard Mosse, photographe irlandais reconnu sur la scène internationale couvre le conflit qui sévit à l’est du Congo en détournant les codes du photojournalisme. Enfants armés sur fond de paysages rose bonbon, cases qui semblent sorties d’un dessin animé, Mosse semble vouloir opérer un contraste entre féérie et guerre meurtrière, donnant corps à la tragédie. Peut-être veut-il de ce rose omniprésent inonder ou contaminer l’image, comme de sang.
Jusqu’au 14 décembre à l’institut culturel irlandais. En savoir plus
La photographie en 100 chefs-d’œuvre
En exposant 100 photographies tirées de sa collection, la BNF questionne la notion de chef-d’œuvre. L’occasion de redécouvrir les épreuves d’Eugène Atget, Diane Arbus, Brassaï ou Henri Cartier Bresson et de leur faire le faux affront d’interroger leur qualité… Face à eux, d’improbables et méconnus tirages de Zola et Prévert méritent quant à eux la question du statut légitime de chef-d’œuvre. Stimulant.
Jusqu’au 17 février 2013 à la BNF, site Mitterrand. En savoir plus
Sophie Zénon, Cadavres exquis, Le grand livre de Palerme.
On se souvient avec force de ses deux momies, photographies en couleur dont l’aspect rappelle fort la peinture, exposées à la Fondation Pierre Bergé en 2010, dans le cadre de Vanités, mort que me veux-tu ? Elles sont à nouveau montrées à la Galerie Thessa Herold, que la photographe vient de rejoindre, enrichies d’autres momies du couvent des capucins de Palerme, tirées de sa splendide série In Case We Die. Ses cadavres, exquis, jouent moins avec la mort qu’avec la nature du médium, tant ils semblent peints et non photographiés. Leur traitement draine en effet une pictorialité qui fait douter jusqu’à l’angoisse. L’occasion, dans le cadre du Mois de la photo de rappeler le combat originel entre peinture et photographie.
Jusqu’au 15 décembre à la galerie Thessa Herold. "En savoir plus"://www.thessa-herold.com/pages/expositions/exposition-a-venir.html