Piet Moget — L’ahah
L’ahah présente jusqu’au 22 juin 2024 une exposition sous forme de dialogue entre Piet Moget et Patrick Sauze, une confrontation ténue et sensible sur des gestes de peinture qui se complètent et s’impriment. De ce dialogue entre figuration et abstraction qui fait se rencontrer deux œuvres dont les différences fondent les similitudes, naît une mise en lumière salutaire de l’héritage de Piet Moget, figure de la peinture du XXe siècle dont la pratique s’est elle-même nourrie d’une intense proximité qu’il a entretenue avec les artistes de son époque.
Un concentré d’attentions, de « débrouille » et de partage qui participe à l’intense profondeur de son œuvre, dont le dépouillement n’est que le reflet d’une constante remise en question. Oscillant, au fil des époques, entre les registres de figuration, ses toiles explorent, sa vie durant, l’intensité d’une lumière dont il rend, œuvre après œuvre, une lecture personnelle et radicale. Ethéré, son soleil darde une lumière nacrée qui tranche avec les pesanteurs habituelles de la représentation méditerranéenne. L’héritage du Nord certainement mais plus sûrement un goût pour le passage, un art de la transition et de l’évanescence qui se déploie dans ses toiles et la très belle sélection opérée par Layla Moget, commissaire de l’exposition.
Plus enclin à penser l’écoulement de la lumière qu’à quêter un moment décisif (qui n’en apparaîtra pas moins), chaque œuvre rend compte à sa manière de la course engagée entre les deux faces de l’horizon, ciel et mer, arbitrée plus qu’à son tour par la jetée ou autre point de fixation. En ressort une superbe pudeur d’un regard perpétuellement aiguisé, astreint par définition à l’exercice, tout comme son modèle, du recommencement. La répétition, l’essai et la « manière » emmagasinées apparaissent alors comme seuls à même de faire advenir, en temps voulu, la vérité du paysage, celle qui s’accorde à sa nature subtile, comme le fleuve d’Héraclite, jamais identique à elle-même. Car c’est in fine le cours du pinceau sur la toile, l’enchevêtrement de lignes heureusement combinées qui offrent la valeur ultime à cette représentation qui tient, par son reflux intérieur, le vertige sublime d’y plonger son regardeur.
Une ascèse au feu nourri qui fait se rejoindre les traditions occidentales et asiatiques au creux d’un regard qui, de toute évidence, n’a cessé de s’enrichir de celui des autres sans s’y abimer. C’est ainsi plein de cette histoire que se découvrent les toiles de Moget qui, au-delà de leur évidente résonnance avec les enjeux esthétiques de la figuration de ces dernières années, continuent d’imprimer leur subtile capacité de se plonger dans la répétition de l’événement pour en rendre la vision circulaire. Une forme de suspension mobile et libre qui fait de sa peinture une contemporaine perpétuelle.