Sabine Moritz à la galerie Marian Goodman
La galerie Marian Goodman expose sur deux étages, comme deux strates d’un travail initié il y a dix ans, les peintures et dessins de l’artiste allemande contemporaine Sabine Moritz. Seconde Guerre mondiale et nouvelles guerres en Irak et au Pakistan y sont traitées dans des tons verts glauques et profonds, par touches impressionnistes. S’y touchent bord à bord actualité brûlante et dimension « anhistorique ».
Sabine Moritz — Limbo 2013 @ Marian Goodman Gallery from March 22 to May 4, 2013. Learn more Face à la douceur qui émane des huiles sur toile et des dessins au pastels et au fusain de Sabine Moritz, une question se pose dès le seuil de la galerie : comment des sujets aux attributs explicitement guerriers ; nuées d’hélicoptères, soldats tapis dans une forêt, immeubles dévastés, fumées épaisses et débris peuvent-ils paraître si agréables à la vue ? Et plus encore, être traités comme le seraient des thèmes bucoliques ? Impossible, en effet, de ne pas penser à Monet et ses nymphéas tant le soin porter à la lumière et les teintes qu’elle utilise s’en rapprochent.Loin de vouloir édulcorer la crudité des motifs, Sabine Moritz semble les auréoler de son imaginaire et de la façon dont elle vécut elle-même la guerre froide lorsqu’elle était jeune et plus tard les attaques du 11 septembre. Aussi, ces images parlent-elles d’histoire tout autant que de son histoire, truisme indépassable de la petite et de la grande…
C’est en effet après les attaques du 11 septembre qu’elle consacra l’ensemble de ses travaux à ce thème des conflits (armés ou silencieux). Le vol de l’avion dans lequel elle se trouvait au moment-même où explosaient les tours du World Trade Center a sans doute constitué un traumatisme qu’elle a choisi de sublimer. De façon assez obsessionnelle, comme en témoignent ses séries d’avions de chasse ou d’hélicoptères, à la manière de Monet, une fois de plus, qui s’attacha à dépeindre heures après heures meules et peupliers.
Savant mélange entre souvenir et réalité, Sabine Moritz tire souvent les scènes de ses toiles de coupures de presse, de photographies et d’illustrations de livres d’histoire, pour brouiller un peu plus les pistes entre réel documenté et imaginé, vu ou subi. Entre réel et fiction, elle trouve en tout cas une forme brillante quelque part entre les plaies et traumas de l’Allemagne d’un Anselm Kiefer qui aurait croisé la route de Giverny…