Sara Favriau — Galerie Maubert
Sara Favriau sculpte le bois dans une grande économie de moyens. Habituée à travailler en collaboration avec des scientifiques tel Nicolas Martin de l’URFM, Unité de recherche des forêts Méditerranéennes à l’INRA Avignon et des jeunes artistes comme Vincent Villain et Tanguy Muller, l’artiste analyse la forêt et nos relations à ce milieu.
Elle prend soin de détourner les outils afin de sculpter le bois et de jouer sur les rapports de force, de tension et d’équilibre. Elle révèle ainsi les strates du temps. De l’œuvre minuscule à la sculpture monumentale, son travail artistique tient de sa relation à cette matière naturelle bien souvent mise en forme par l’homme.
Son exposition personnelle à la galerie Maubert réunit des œuvres issues d’une exposition qui a voyagé ainsi que d’autres réalisées à partir de bois glanés et des éléments qui participent à ses compositions. Pour Bacille, Sara Favriau remet debout des arbres tombés à terre ramassés en forêt, qui, redressés, témoignent des effets du réchauffement climatique et de la sécheresse. Elle redonne du volume à ces êtres naturels qui ont subi des dégâts et qui pourtant paraissent encore plein de vie. L’installation s’apparente à un répertoire d’arbres et relève d’une observation de leur taille et de leur propriété physique.
Sur une étagère, Marronage est une petite sculpture, maquette d’un « grand arbre-pirogue » qui traverse la mer. L’artiste envisage ses œuvres en pensant au cycle de vie de ses matériaux. Après ses cabanes monumentales qui vivent en extérieur, elle s’attèle à faire flotter une sculpture, nouveau défi pour comprendre d’autant plus ce que peut le bois qu’elle emploie.
Elle a utilisé le bouleau, essence introduite en Californie, ici son matériau pour l’ensemble de ses sculptures, créées sans aucune perte de matière. Chaque élément de cet arbre a servi à la création de ses œuvres qui furent transportées dans le cadre d’une exposition à Los Angeles. Dans la galerie, elles révèlent un état des lieux, leur arrivée avant leur possible mise en espace. Des caisses de transport témoignent des déplacements de ses sculptures et des couvertures en feutre constituent les indices d’un soin porté à l’emballage et à la protection des œuvres en bois. Miel, son installation, s’apparente alors à une œuvre-bagage qui s’autonomise dans sa monstration.
Sara Favriau creuse aussi le bois, met en évidence des lignes, des facettes en torsion dans des troncs qui se transforment en colonnes. Ses sculptures témoignent de l’évolution de ces éléments naturels qu’elle appréhende dans tout ce qu’ils permettent. Elle se sert de chaque découpe ou travail de la matière afin de préserver cette ressource. Les troncs d’arbres se métamorphosent par la présence d’étranges plumes ou poils qui apparaissent par ses incisions. Par les agrafes, elle semble réparer tout en marquant d’un corps étranger les fragments de bois de différentes tailles, qu’ils soient penchés contre le mur, ouverts, debout ou posés à plat.
En parcourant l’espace, des œuvres de tout petit format semblent émerger des murs, créées à partir de gestes simples et de matériaux récupérés, tel un retour aux pratiques précaires. L’artiste privilégie une méthode de travail peu coûteuse en éléments façonnés, industriels et contribue à l’économie circulaire du bois et des matières qu’elle glane. Elle cherche à construire et à sculpter avec ce qu’elle recueille tout en déployant une « ingéniosité de la trouvaille ». Chaque élément récolté au fil de ses voyages, résidences et projets participe de la construction de nouvelles sculptures, assemblages qui associent matières naturelles et éléments de construction, de sutures. Des dessins rendent hommage à l’humain et au travail de la matière. Sur une sculpture table, des outils réfèrent à son processus de travail. Elle tend à faire le plus avec le moins d’actions et de dépenses de matières possibles. Elle procède par assemblage, par agencement dans une approche des relations entre les éléments et leurs réactions. Jusque dans les étagères et système de fixation, l’artiste plasticienne se sert du bois pour toutes ses propriétés, interrogeant ainsi notre consommation et nos usages.
En évoquant notre relation aux arbres et à leurs devenirs, Sara Favriau met ainsi en évidence les tensions entre nature et culture tout en approfondissant des expériences sculpturales sur des bois trouvés. Certaines œuvres émergent, autonomes, des murs quand d’autres semblent lancer un appel à la possibilité d’une seconde vie, que l’artiste nous permet d’entendre.
Exposition Sara Favriau, Je pense à une vache volage dans un champ (…), à la galerie Maubert du 27 mai au 31 juillet 2021.