Szabolcs Bozó, Semiose, Paris
La galerie Semiose inaugure son nouvel espace, rue Quincampoix, avec une exposition personnelle de Szabolcs Bozó, jeune artiste hongrois vivant aujourd’hui à Londres. Une présentation haute en couleurs qui n’en recèle pas moins une certaine ambiguïté.
Alors il faut creuser et, d’emblée, à travers les fonds de ses tableaux, Bozo nous renvoie à l’indiscipline de la terre, à l’infinie complexité de la composition d’un sol que nous foulons, que nous croyons connaître. Et pourtant, ce joyeux mélange de sédimentations qui parcourent la « simple » couche terrestre ne serait-il pas le champ de fouille archéologique imaginaire dans lequel se seraient tapies ses créatures chimériques ?
Ici, chaque figure dénote l’évidence d’une expression marquée, accueillante et directe comme peuvent l’être les sentiments sincères ; joie, tristesse, inquiétude, autant de fonctions essentielles dont elles semblent porter, sur le visage, l’allégorie. Car pour monstrueux qu’il peut apparaître, le bestiaire fantastique de Bozó traduit avec le déséquilibre essentiel propre à toute joyeuse naïveté, l’expression la plus humaine de l’empathie.
De ce hiatus fondamental, l’art du portrait (la série de profils est à ce titre vertigineuse de simplicité poétique), l’histoire de la peinture et le détournement qu’il en opère pour ériger, avec une liberté et une joie tangibles, une galerie d’êtres enclins à peupler l’imaginaire de tous les enfants du monde. Difficile ainsi de ne pas penser ici aux écoles nordiques de l’illustration, mêlant la profusion de la matière de êtres au dénuement de fonds d’une sobriété radicale, livres d’illustrations mais aussi soviétiques avec cet art du décalage, particulièrement sensible ici avec la prééminence du béret.
Pour autant, en se l’appropriant et en le poursuivant avec ténacité, l’œuvre de Szabolcs Bozó fait résonner le trouble de l’évidence, le paradoxe de la facilité et pointe ainsi, avec une joie addictive, l’inquiétante ironie d’un monde et d’un temps, les nôtres, où il semblerait presque nécessaire de recourir à la figure du monstre pour échapper au cynisme et à l’injustice de l’humanité qui les peuple.