Tony Regazzoni — Centre d’art contemporain Chanot, Clamart
Le Centre Albert Chanot de Clamart présente une exposition de Tony Regazzoni qui s’attache à mettre en valeur les discothèques-usines des années 1970-1980.
Sous le titre Le fantôme de la discothèque, il emprunte au Fantôme de l’opéra au Phantom of the Paradise leur fonds baroque, rococo et tragique, embrassant une symbolique qui mêle passion, plaisir, éternelle jeunesse et mort nécessaire en les tirant vers une folie et une loufoquerie salutaire.
Fiction, archéologie, construction s’ajoutent et se rencontrent pour créer un écosystème à la gloire de ces temples de la consommation dont le gigantisme, l’aberration architecturale dénoncée dès leurs érections et le mimétisme des programmations, délibérément dédié à l’efficacité de leurs profits immédiats, hantent encore les périphéries de zone urbaine. Immortalisées sur les cimaises à travers des reproductions numériques, leurs portraits stylisés se heurtent aux images réalisées dans leurs décombres. Loin d’être figé, le temps semble continuer de s’égrener ; qu’il s’agisse du mouvement constant, lancinant de la caméra dans les travellings qui parcourent les édifices abandonnées, les structures en polystyrène dont la fragilité même fait varier continuellement la forme ou les reflets et variations de couleur constants des plaques accueillant les estampes de ces bâtiments. D’épisodes intimes de jeunesse, les stigmates continuent de peser comme des cicatrices sur des espaces géographiques insalubres, où la végétation elle-même ne pqrvient pas à reprendre ses droits.
La musique, électronique et invariable, rythme à perpétuité la présentation, rattachant à la programmation assistée par ordinateur une « viscéralité » organique toute symbolique, celle de la pulsation d’un cœur battant, indice essentiel de la composition de nombreux genres musicaux populaires depuis les années 1970. Si l’observation sensible, la recollection quasi-programmatique de ces constructions commerciales révèle un certain nombre de paradoxes, de problématiques politiques et architecturales passionnantes, la lecture de l’artiste s’attache ici surtout à convoquer une visée romantique plus nostalgique que proprement ancrée dans l’invention ou la réflexion.
Ici, la tonalité narrative pour le moins impliquée du récit à deux voix d’acteurs de ces nuits qui accompagne la vidéo se veut sérieux et ne laisse pas de place au décalage. De l’exaltation des sens, de la plasticité du simulacre et de la valeur du faux qui accompagnent cette plongée dans une vanité moderne s’instille une dramatisation inattendue. Une contemplation particulièrement dans l’air du temps qui s’éprend du propre décalage de ses souvenirs, de l’apparente légèreté de son sujet, les boîtes de nuit, pour y exalter une intensité qui ne fait malheureusement que la confirmer. Plus donc que le décorum, que la fragilité et l’exploitation d’une jeunesse dans le détournement économique de son loisir, plus que l’objet de l’enquête de l’artiste, c’est inlassablement à la subjectivité, au désir de se raconter et d’éprouver sa singularité dans un récit banalisé de première expérience que l’œuvre se heurte.
Parallèlement, la reconstruction d’une véritable piste de danse, l’agencement du parcours et les éléments de decor soulignent la volonté d’intégrer le visiteur à un dispositif de danse qui, hors de tout contexte, observe la propension même de chacun à se noyer dans la foule. Intime et voyeuriste, acteur et sujet, on observe deux figures danser sans fin, comme prisonnières de cette nuit qui ne recommencera plus.
Sur deux pieds donc, la présentation se refuse à la sobriété pour embrasser pleinement le modèle de ses reproductions et entretenir le mythe à défaut de le réinventer.