Le synthétique au cœur de l’humain — Centre culturel canadien
Si l’ambition de l’exposition Le synthétique au cœur de l’humain organisé par The Synthetic Collective au Centre culturel canadien est en premier lieu de sensibiliser le public au danger que représente le plastique pour l’environnement, son exploration refuse l’univoque et défriche avec bonheur la somme de possibles d’un matériau d’une richesse incommensurable.
Le synthétique au cœur de l’humain — Plastic Heart: Surface All the Way Through @ Centre culturel canadien from November 16, 2022 to March 24, 2023. Learn more Symbole du « génie » au sens littéral, de l’humanité, cette transformation du « pétrole, un liquide magique que l’on trouve de Bordeaux jusqu’au cœur de l’Afrique », selon les mots d’Alain Resnais dont le parcours présente Le Chant du Styrène, 1958, inquiète aujourd’hui autant qu’elle a pu inspirer la création. Un équilibre complexe qui donne pourtant une vision plus juste d’une histoire aux allures de boîte de Pandore qui aura largement redéfini les pratiques de l’humanité depuis un siècle.Réinterprétation d’une première exposition organisée à l’Art Museum de l’université de Toronto, cette présentation au Centre culturel canadien convoque une trentaine d’artistes qui développent des propos qui font résonner notre rapport au plastique. Depuis les expérimentations visuelles des années 1970, la libération des formes et des couleurs par ce médium nouveau, ancré dès son avènement dans la culture populaire jusqu’aux mises en espace d’études de l’impact du plastique sur l’environnement, depuis la découpe anatomique de contenants jusqu’à l’invention d’une flore synthétique, les formes se bousculent ici comme en écho à la nature complexe du matériau, tenant en cette confrontation la métaphore d’un alliage complexe entre la nature fossile et la transformation synthétique.
Inclusion et brouillage de pistes sont les fils conducteurs des images qui se succèdent, renvoyant tantôt à l’objet identifiable tantôt à l’abstraction dont la lecture se révèle pourtant riche de sens, à l’image de l’œuvre de Pierre Huyghe, dévoilant au sein de la cimaise du centre la multitude de couches de peinture utilisée au cours des dernières années, forçant au sein même de l’exposition une mise en question de sa traçabilité. La question de la marque, du stigmate émerge alors de la surface apparemment lisse du plastique, une préoccupation majeure du Synthetic Collective, cachant dans les angles les traces d’accrochages passés, préservant dans sa présentation même un vinyle issu de l’exposition précédente, organisant son choix d’œuvres en fonction des conditions de leur transport.
Tout alors devient prétexte à une réflexion riche et salutaire autour de l’empreinte de notre utilisation du plastique sur la planète comme sur la conscience. La disposition scénographique elle-même, directe et frontale à l’étage supérieure, s’élance et s’envole dans la partie inférieure de l’exposition pour offrir une expérience vertigineuse qui convoque l’ambition démesurée de hauteur autant que la pollution amère des profondeurs.
Entre expérience artistique, esthétique et pédagogique, l’exposition offre un véritable équilibre avide d’embrasser la complexité d’un sujet qui fonctionne de façon efficace en respectant au mieux l’intelligence de chacun, conjuguant la fascination au trouble vertige du drame qu’elle entraîne.