Susumu Shingu — Galerie Jeanne Bucher Jaeger
La galerie Jeanne Jaeger Bucher accueille, en parallèle de sa grande exposition au Mudam Luxembourg, une rétrospective des œuvres de l’artiste japonais Susumu Shingu. Un parcours en forme d’hommage à la nature qui ne manque pas d’en modifier la perception.
Cosmos — Susumu Shingu @ Jeanne Bucher Jaeger | Paris, Marais Gallery from May 15 to September 22, 2018. Learn more Artiste total, Susumu Shingu explore depuis les années 1960 les interactions de la création avec les forces de la nature. Volontiers décrit comme le « sculpteur du vent », ce peintre de formation se tourne rapidement vers la mise en espace et multiplie les collaborations avec de grands noms de l’architecture et de la création, concevant des solutions constructives aussi bien que des décors peuplés d’inventions. Ses sculptures prennent ainsi véritablement vie dans leur interaction avec leur environnement, se soumettant et accompagnant de leur mouvement les forces extérieures. Une création purement écologique qui, au-delà de la sensibilisation à la recherche de sources d’énergies alternatives, apparaît également comme une célébration de celui-ci. Constituées de formes géométriques simples qui tranchent avec l’harmonie complexe de la nature, ses sculptures prolongent le mouvement du monde et donnent corps à l’invisible en se faisant réceptacle de forces à l’œuvre en continu.Mais plus encore, avec Cosmos, la galerie Jaeger Bucher parvient à révéler la puissance plastique de ces agencements de matières, de couleurs qui, enceints dans un espace réduit, reproduisent à leur tour un écosystème vertigineux au sein duquel nous nous laissons voguer. Ses mobiles en rotation semblent dériver sur place tandis que leurs ombres projettent sur les cimaises les fluctuations d’un courant silencieux. Chacun à leur rythme, conjuguant une fois de plus la complexité organique à la synthèse géométrique et à l’invention technique, Susumu Shingu tisse un lien horizontal avec le monde qui invente une manière de l’utiliser dépouillée du fantasme de domination et des conséquences désastreuses de son exploitation. Une humilité qui se retrouve dans cet univers visuel singulier où les articulations, les mécanismes sont autant de formes esthétiques qui évoquent les représentations schématiques de composés chimiques, des cellules en mouvement à l’image des Snowflowers ou Wings of Time.
Peintures et sculptures se répondent ainsi au long d’un parcours vivant et réjouissant qui ne manque pas d’ouvrir également sur la dimension de partage et de transmission de cet artiste dont l’invention conserve un ancrage dans la tradition ou, bien plutôt, la prolonge pour en offrir de nouvelles lectures. Ses livres d’enfants consultables entrent dans cette démarche et prolongent la volonté de transmission essentielle de son œuvre. De même, ses projets architecturaux fascinants côtoient dans la dernière salle de l’exposition la vidéo d’une représentation de théâtre Nô donnée dans les jardins du musée du vent dont il est le créateur. Les temporalités du jeu de scène et du décor inventé par l’artiste se rejoignent, s’emmêlent et se contredisent pour composer une évolution faite de ruptures, de silences, de fixité et de mouvement continu.
Une métaphore de la nature qui parvient, sans l’accaparer et en la respectant absolument, à s’y fondre de la plus belle des manières.