Découverte — Xiaodong Liu
Xiaodong Liu, né en 1988, présente jusqu’au 24 juillet à l’exposition Félicità 2018 aux Beaux-Arts de Paris deux tableaux issus d’une série plus larges présentée en mars dernier à l’exposition 100 % Beaux-Arts à la Villette.
Quelle est l’origine de la série de peintures que vous présentiez à 100% Beaux-Arts en mars dernier à La Villette (dont deux sont exposées aujourd’hui aux Beaux-Arts de Paris) ?
Xiaodong Liu : Le point de départ est le tableau de Vincent Van Gogh, qui s’appelle Le Peintre sur la route de Tarascon qui a brûlé durant la Seconde Guerre Mondiale. L’idée était d’interpréter cette représentation de l’artiste qui marche, avec un sac à dos et un livre pour représenter mes pensées. Sa reprise par Francis Bacon (littéralement fasciné par l’image de ce tableau dont il ne vit que des reproductions et qui en proposa une multitude de variations, ndlr) est également très importante, elle est à l’origine des têtes noires que l’on voit dans mes œuvres. C’est une série que j’ai présentée à l’occasion de mon diplôme.
Cela semble représenter un état en suspens, un entre-deux flottant, entre le mouvement et le statique, dû notamment à ce paradoxe de l’autorportrait que vous traitez en cachant le visage ?
Il s’agit en effet d’explorer la relation entre soi et le monde, entre le savoir-faire et les hommes, entre figuration et abstraction, entre photographie et la peinture. Tous ces tableaux présentés étant des autoportraits, cela m’incite à travailler davantage sur les silhouettes.
Il y a également une grande force du sentiment dans vos tableaux, s’agit-il également d’autobiographie ?
Oui, la solitude et la mélancolie ont une part importante dans mon œuvre et dans mon rapport à la peinture.
Votre grand format évoque immédiatement l’actualité également avec les images de populations empruntant la voie maritime pour fuir leur pays, en guerre ou en crise. C’est certes votre silhouette mais cela pourrait tout aussi bien représenter un éxilé anonyme ?
Pas directement. Mes tableaux partent d’une idée floue qui travaille et s’accomplit dans le résultat final. Je prends pour point de départ plusieurs photographies, il n’y a donc jamais d’idée fixée, la composition s’opère en continu, le début dirige la suite, les mouvements et les changements pour, au final, donner une image inattendue.
La solitude, le cheminement, la mer et l’harrassement de ces silhouettes solitaires évoquent finalement les stigmates de l’épreuve, d’un soi confronté à l’aridité du monde.
En travaillant principalement sur les silhouettes, je cherche toujours la façon dont on peut se placer face au monde, la question métaphorique qui traverse en effet mes tableaux.