Focus Paris Photo 2021
Entre formalisme abstrait, objectivité métamorphosée, documentarisme éthéré, cinq démarches décalées et incontournables autour de la représentation du corps à découvrir durant cette très belle édition de Paris Photo 2021 au Grand Palais Ephémère.
Satomi Nihongi — Editeur Komiyama, Tokyo
Portraitiste et exploratrice du médium photographique autant que de l’impression, Satomi Nihongi documente les jeunesses en marge dès le début des années 1970. Après avoir posé son objectif au sein de la scène transgenre et alternative tokyoïte, elle s’envole vers l’Europe à la rencontre des punks londoniens et autres rockers parisiens. Ses livres, basés sur des photographies d’époque, organisent la rencontre entre intimité, transgression et retenue
Elsa & Johanna — La Forest-Divonne, Paris
Le duo Elsa & Johanna poursuit l’édification d’un œuvre dont la prolixité affirme toujours plus la force plastique et explore la possibilité narrative de la photographie. Leur imagerie, toujours aussi efficace, parvient, à travers leur propre mise en scène grimées, à inventer autant de variations possibles d’histoires dont les protagonistes, chaque fois nouveaux apparaissent comme autant de propositions de vies. Ludiques, espiègles et fortes d’un ancrage profond dans l’histoire de leur médium, leurs photographies atteignent par endroits des moments de grâce et dessinent une réalité certes éthérée mais pas moins vivace.
Luigi Ghirri — Galerie Valeria Bella
On retrouve cette année la photographie superbe et profonde de Luigi Ghirri, qui avait illuminé le Jeu de Paume en 2019 et dont l’esthétique semble plus que jamais faire des émules. Car si l’on retient aujourd’hui ce maître qui aura su conceptualiser et partager une photographie accessible à tous sans se départir d’une volonté de rendre au quotidien sa propension à la fuite possible, c’est bien parce que l’équilibre qu’il atteint au milieu des années 1980 semble toucher au cœur la sensibilité actuelle d’une photographie encline à inclure ses sujets dans sa propre démarche.
Pilar Albarracin — Galerie GP & N Vallois, Paris
La force et l’énergie de Pilar Albarracin ne doivent pas masquer la qualité profonde d’un corpus photographie qui prend chaque année une ampleur historique plus importante. Oscillant habilement entre les genres autofictionnels et mises en scène classiques, entre incarnation personnelle et universalité, pour ne pas dire objectivité, de sa propre figure, Pilar Albarracin ritualise le combat quotidien de l’existence et matérialise avec constance une lutte dont elle brouille le rapport de force. Sa résolution, mise en scène et sublimée, parvient à distiller dans le burlesque les lames fines d’une tragédie dont la banalité n’a d’égal que l’héroïsme qu’elle célèbre.
Gottfried Jäger — Sous les étoiles gallery, New York
Engagé depuis ses premiers travaux dans l’exploration technologique de son medium, Gottfried Jäger a mené durant tout le XXe siècle une quête effrénée autour des possibilités de la photographie lui permettant de développer un œuvre riche d’inventions et de propositions esthétiques. Plus qu’un miroir technique des évolutions matérielles, son corpus s’apparente à une plongée toujours en profondeur dans les arcanes de la programmation de formes et de couleurs.
Smith — Galerie Les filles du calvaire, Paris
Smith poursuit l’élaboration de son corpus fouillant les possibilités plastiques (et techniques) de l’identité et des corps dont la profondeur ne cesse de souligner plus ardemment la puissance sensible d’une esthétique éthérée. Au long d’une superbe série présentée sur le stand de la galerie Les filles du calvaire, elle nous convainc une fois de plus de la place qu’elle occupe dans le paysage photographique contemporain.