
Pauline-Rose Dumas — Galerie Anne-Laure Buffard
Dans les méandres d’une pensée plastique en expansion, au cœur même de la réflexion intime que l’artiste entretient avec son propre geste, Pauline-Rose Dumas propose, pour sa première exposition personnelle à la galerie Anne-Laure Buffard, une partition réjouissante et sensible.
« Pauline-Rose Dumas — Studio Everywhere », Galerie Anne-Laure Buffard du 11 octobre au 22 novembre. En savoir plus Celle-ci investit les différents espaces du lieu et les transforme en caisses de résonance d’une manière singulière d’habiter l’espace par la création et de se voir habité par elle. Entre la raideur de l’acier et la souplesse des tissus, Pauline-Rose Dumas orchestre une tension à la fois contenue et persistante. Ses œuvres, traversées par cette dualité, jouent des pleins et des vides, des boucles et des déliés, dessinant une écriture plastique où chaque geste devient signe, chaque pli, une phrase. Ce langage silencieux se déploie sur les murs comme au sol, révélant la vie secrète des espaces qu’elle investit et qu’elle réinvente avec une acuité rare.Composée d’œuvres récentes et de pièces plus anciennes, l’exposition se déploie comme un organisme vivant, obéissant aux contraintes spatiales ou s’en affranchissant pour y inscrire sa propre narration. Pauline-Rose Dumas rejoue les scènes de son théâtre intérieur avec une générosité qui amplifie la frontalité de son travail. De la salle d’exposition aux coulisses d’un atelier reconstitué, le visiteur se faufile parmi les habitants de cet espace devenu mental, se contorsionne pour entrevoir des images et des dessins qui, n’ont rien de simples reflets de ses installations. À rebours de celles-ci qui découpent et couvrent le lieu, ils abandonnent leur fonction décorative et ouvrent des brèches vers un ailleurs qui nous côtoie. Contraint, le visiteur prend acte des multiples symboles qui hantent ces œuvres mais ne peut s’empêcher d’y percevoir une part de poétique qui en trouble les effets pour mieux en dessiner l’intensité.
Au fil de ce parcours sensible, l’artiste échappe à l’écueil du règne de l’image pour développer une esthétique faite d’aspérités, de déséquilibres précieux et d’extensions parfois absconses, qui redistribue les hiérarchies entre objets, formes et outils. L’ornementation, l’abandon et la composition ménagent une place substantielle à la vie propre des matières : pesanteur et sobriété deviennent des affirmations fortes, l’artiste en souligne l’apreté par des gestes redoublés ; au fusain pour l’acier, aux points et aux plis pour les tissus.
Exploitant jusqu’à la tension la maîtrise du contraste, l’artiste déploie des textiles aériens aux imprimés délicats qui s’étendent depuis des structures métalliques, elles-mêmes libérées de leur condition de support. Ces dernières se nouent, s’enroulent, s’échappent, renversant notre confiance en la ligne et en la forme. Là s’amorce une synthèse subtile, presque une fusion contre-nature ; Dumas plie des carrés de tissu, les enfonce autour de tiges d’acier, érigeant ainsi les socles de constructions hybrides où l’armature déborde de son cadre et où la matière, charnelle et vibrante, semble à son tour soutenir l’équilibre global de la pièce. Autant qu’être mû par son atmosphère. L’atelier y est partout suggère le titre de l’exposition, autant que partout est possiblement atelier.
Devenus vivants, cadres et motifs se confondent avec les potentialités mêmes de leurs matériaux, engendrant des formes nouvelles, presque organiques, semblant obéir à l’ordre d’une nature première que l’artiste leur redécouvre.