Emmet Gowin — Fondation Henri-Cartier Bresson
C’est une grande première à Paris de voir réuni l’ensemble des travaux du photographe américain Emmet Gowin. 130 tirages retracent la carrière de cet œil formé auprès de Harry Callahan, des épreuves intimistes qu’il a faites de sa femme Edith, nue et féline dans les années 60, aux clichés plus engagés des mines de charbon en République tchèque, jusqu’aux tirages plus expérimentaux des papillons de nuit en Amérique du Sud.
Emmet Gowin @ Fondation Henri Cartier-Bresson from May 14 to July 27, 2014. Learn more Emmet Gowin aurait pu être pasteur, il devint photographe. Il fit alors un trait sur son éducation cadenassée et méthodiste pour photographier sa famille, libérée, souvent nue, bien loin des conventions qu’il connût enfant. C’est même teinté d’une douce et amusante provocation qu’il immortalise sa femme, Edith, le haut ouvert sur sa poitrine sèche alors qu’à l’arrière-plan la grand-mère de la famille siège sagement dans son fauteuil. Ou encore qu’il demande à sa femme de poser pour lui dans une grange en train d’uriner. Les codes ont changé, son regard se pose sur des corps offerts généreusement, sauvages, les vêtements sont tombés pour mieux laisser la nature les caresser. Ainsi de cette image où Edith enceinte entièrement dénudée se love sur un tapis herbeux.Union de l’homme avec la terre qui l’a enfanté. Volontiers biographique, sa photographie s’imprègne beaucoup de l’enseignement d’Harry Callahan qu’il eut pour professeur en 1965 à la Rhode Island School of design. Callahan, avant lui, a pris sa famille pour terreau créateur et source d’inspiration. S’en dégage une photographie de l’intime, éminemment sincère et infiniment sensible. « Je ne crois pas pouvoir faire des photographies de façon impersonnelle, dira-t-il, car je me sens concerné et impliqué dans les situations qui m’amènent à faire une photographie ou qui transcendent cet acte ». Gowin ne se démentira jamais. Qu’il s’agisse en effet d’êtres proches ou de sujets désincarnés, sa démarche restera en effet toujours très personnelle. Les paysages balafrés par les catastrophes naturelles, les mines de charbon en République Tchèque ou les sites d’essais nucléaires témoignent d’un regard profondément affecté comme le serait celui d’un père ou d’un amant qui verrait les siens dans la tourmente. Pour trouver un trait d’union entre son travail sur la nature et celui qui met en scène sa femme et sa famille, Gowin a récemment mis en œuvre un large recensement de papillons de nuit d’Amérique du Sud.
Ces images, aux contours surréalistes superposent la silhouette de sa femme et les lignes graciles des papillons, renouvelant une fois de plus sa fascination pour le miracle de la vie.