Georgia Russell — Galerie Karsten Greve
La galerie Karsten Greve accueille jusqu’au 7 janvier une exposition personnelle de Georgia Russell, Time and Tide, qui propose un parcours où la méticulosité participe à l’émergence d’un onirisme sensible.
Georgia Russell — Time and Tide @ Karsten Greve Gallery from October 14, 2016 to January 7, 2017. Learn more Née en 1974, Georgia Russell se fait d’abord connaitre pour son travail minutieux autour de livres anciens qu’elle découpe et troue afin d’en offrir une nouvelle vie plastique ; l’artiste écossaise a en effet toujours joué de son support comme d’une matière première apte à faire émerger, en opérant une nouvelle répartition du plein et du vide, un nouveau volume. Georgia Russell a alors développé une bibliothèque fantastique en manipulant les couvertures de livres classiques, y inscrivant motifs et ornements qui en exacerbaient la valeur symbolique. À la manière d’un chirurgien, Georgia Russell travaille la feuille au scalpel et dessine, par négatif, les formes qui structurent ses vides si puissants. Un art du découpage virtuose qui démultiplie les surfaces et les profondeurs, révélant une fragilité autant qu’une force souveraine du papier et de la toile auxquels elle redonne leur force organique, les poussant à s’ébattre et à refléter cette dimension essentielle de son travail, le mouvement.Avec cette série de nouvelles œuvres présentées à la galerie Karsten Greve, l’artiste élargit son vocabulaire et propose un parcours captivant. Ses toiles monumentales laissent entrevoir des paysages oniriques aux teintes pastel et orientales que la découpe et la pigmentation rendent absolument uniques, du collage qu’elle abandonnait initialement pour se concentrer sur le découpage, Georgia Russell est passée à une forme de surimposition de couleurs, sur l’envers et l’endroit de la toile d’abord, mais aussi sur celle qui la jouxte. De la sorte, l’ensemble fixe face à son regard mouvant fait de chaque spectateur un orbite incapable de se fixer pour de bon autour de ces découpes de l’espace. Littéralement « irregardable » en mouvement, les créations de Georgia Russell déjouent nos facultés visuelles pour les perdre en un entremêlement de formes et de lignes qui, plus que découvrir le vide, en révèlent le volume, comme autant de crêtes de vagues découperaient l’océan. Ces mêmes vagues qui ont inspiré l’artiste suite à un séjour en Ecosse, où elle a réalisé ses panneaux comme ébroués par un ressac intérieur.
De la perte nécessaire liée à la détérioration de l’objet chargé d’histoire, Georgia Russell a donc fait évoluer son art vers une pure création. Loin de figer le livre, elle fait à présent résonner la page blanche, la met en résonance avec son espace et la laisse proliférer, s’émanciper de sa planéité pour épouser un spectre de dimensions inédites, de lignes et de perspectives autrefois interdites. L’évolution de la pratique de Giorgia Russell impressionne ainsi par sa rigueur et sa capacité à avoir su transformer des créations extrêmement séduisantes mais isolées en objets plus complexes, moins immédiatement symboliques et participant à un mouvement d’ensemble. Entre les lignes bigarrées et mouvantes que dessinent chaque œuvre semblent se tisser autant de fils qui découpent l’espace et prolongent l’opération d’évidage de la matière de l’artiste.
De la sorte, le parcours de l’exposition impose un véritable rythme, une occupation formelle de la toujours aussi séduisante galerie Karsten Greve pour nous mener, de salle en salle vers l’espace le plus réduit organisant en douceur une confrontation directe et sensible avec le vide. Envers et endroit se confondent alors en une chimère qui articule avec grâce les questions du temps du regard et de l’espace qu’il parvient à percevoir.