Biennale de Belleville — La belle histoire
Du 15 septembre au 20 octobre, la biennale de Belleville organise sa seconde édition. Expositions, projets in situ, ateliers d’artistes, tour d’horizon d’un événement ancré dans l’histoire.
Une personnalité forte donc, autant qu’une profusion de projets engagés en matière d’art et de représentation que la biennale de Belleville, née de l’initiative de commissaires indépendants y ayant élu résidence, reflète dans sa pluralité. Après une première édition qui avait su convaincre par sa capacité à questionner l’identité du quartier autant que la place de l’art dans la ville, cette biennale à échelle humaine fait, une fois de plus, la part belle à la vie et à la topographie unique de ce quartier, refusant de se limiter à une seule thématique. Si les expositions insistent sur la notion de révolution, nombre de projets spéciaux s’attachent plus particulièrement à la géographie et à l’histoire du lieu qu’ils investissent.
Ainsi, Vincent Lamouroux intervient au cœur des Buttes-Chaumont en recouvrant l’un de leurs bosquets d’une matière blanche, modifiant la perception du paysage déjà bigarré de ce parc artificiel. L’exposition Street Painting 2, quant à elle, poursuit la réflexion entamée avec le premier volet lors de la précédente édition de la biennale en invitant des artistes tels que Cécile Bart, Élodie Seguin, Davide Balula ou encore Aldric Mathieu, durant une journée (le 22 septembre), à occuper trois rues de Belleville afin d’y présenter une réflexion autour de la peinture. Au travers de performances, les artistes autant que leurs œuvres expérimentent l’épreuve d’une délocalisation de leur pratique au sein même de l’espace urbain.
Également à l’honneur du Grand Tour imaginé par Claire Moulène, les artistes seront les acteurs principaux de la réinterprétation de cette tradition classique qui consistait, principalement chez les jeunes Anglais et Allemands, à voyager en Europe à la découverte, entre autres choses, des ateliers de maîtres italiens. Un parcours a donc été imaginé, en complicité avec artistes et curateurs, au sein de leurs ateliers. Parmi eux, Raphaël Siboni invitera Alain Della Negra, Bertrand Dezoteux et Kaori Kinoshita à une discussion ouverte autour de la « caméra amateur » et du film d’archive, le groupe Air s’associera pour sa part à Mathias Kiss le temps d’une performance organisée dans leur atelier passage de l’Atlas, Olivier Dollinger organisera un projet spécial en collaboration avec Mathilde Villeneuve et Virginie Yassef, elle, verra son atelier envahi d’objets étrangers sur une proposition d’Axelle Blanc et d’Ann Guillaume.
S’il ne s’agit pas d’un thème général, l’histoire sera pourtant un angle important dans le programme d’expositions de la biennale, à commencer par l’exposition Circumrévolution, une proposition de Patrice Joly et Aude Launay au pavillon carré de Baudouin. Articulant deux notions contenues dans le terme même de « révolution » (à savoir l’idée de point culminant d’un processus et l’idée de circularité d’un mouvement), l’exposition s’attache aux œuvres capables de mettre en scène cette dualité afin d’en observer le rapport de force. On retrouvera ainsi des artistes tels que Latifa Echakhch, Claire Fontaine, Julien Nédélec, Gabriel Orozco, Hugo Pernet ou Emanuel Rossetti. L’espace d’exposition Shaynaynay déjoue, pour sa part, la question de la révolution en s’attaquant aux pratiques de la vie quotidiennes, capables de s’émanciper de toute systématisation et, partant, de toute récupération.
Postée face à la Maison des Métallos (aujourd’hui centre culturel), la statue de Jean-Jules Pendariès, Le Répit du travailleur, fait l’objet d’une recherche menée par Charlotte Moth (qui exposera par ailleurs parallèlement à la galerie Marcelle Alix). D’une rumeur peu vraisemblable (cette statue aurait influencé le fameux Penseur de Rodin) à son installation sur l’esplanade Roger Linet, Charlotte Moth présentera, pendant trois jours (du 14 au 17 septembre), le fruit de ses recherches et de sa réflexion autour de la place acquise par cette œuvre dans l’espace public. Pied de nez à l’histoire, l’installation de Nicolas Milhé visible sur la place du Colonel Fabien est constituée d’un bloc issu du mur dressé par Israël censé protéger sa frontière. Ainsi placé en plein air, à la croisée symbolique des populations d’origines diverses qui habitent Belleville (« quartiers » chinois, arabe, juif, pakistanais), le morceau de béton appelle de tout son poids à observer la cohabitation quotidienne et heureuse de ce territoire multiculturel.
Les galeries enfin qui, depuis plusieurs années, ont amorcé l’incursion officielle de l’art contemporain dans le quartier seront également des acteurs incontournables de la biennale. Julien Salaud, d’abord, déploiera son bestiaire fascinant au loft de la galerie Suzanne Tarasieve, tandis que Valérie Favre exposera une nouvelle série chez Jocelyn Wolff et Benoît-Marie Moriceau, en collaboration avec BAT Éditions présentera Electroshield, projet / réplique.
Fortement influencée par « l’esprit du lieu », la biennale de Belleville promet donc un programme qui, s’il laisse une grande place à la jeune création, ne manque pas de profiter de la charge historique et sociale du quartier pour interroger à son tour l’histoire et les modalités de sa transmission par la création artistique. Mettant en synergie toutes les dynamiques du quartier, cette biennale qui se veut donner l’occasion d’une flânerie profitera également d’expositions satellites dans les galeries parmi lesquelles on retrouvera des artistes tels que Florian et Michael Quistrebert à Crèvecœur, Alexander May chez Balice Hartling ou encore Michel Blazy au Plateau.