Felicità 2025 — Qui sont les Félicités des Beaux-Arts de Paris ?
Felicità 2025 réunit les 24 artistes ayant obtenu en 2025 leur diplôme avec les plus hautes distinctions aux Beaux-Arts de Paris sous le commissariat de Mathieu Kleyebe Abonnenc.
Mehdi Boualli
Mehdi Boualli développe une peinture traversée par des références multiples, rendues instables par l’usage de l’aérographe. Entre figuration et abstraction, il construit des images proches de paysages chaotiques, souvent nourries d’univers issus du jeu vidéo et de fantasy sombre qui dépassent la monotonie du rendement informatique en y insufflant la dynamique du cadrage. Une énergie intrigante qui les module jusqu’à faire de chaque variation le moteur d’une succession d’explosions visuelles, chacune de ses compositions étant parcourue de bulles quasi-sémiotiques.
Sila Candansayar
Le travail de Sila Candansayar explore un vocabulaire singulier de signes et de gestes qui, déployés dans l’espace, déroulent d’étourdissantes narrations où les styles et les attentions s’entremêlent. Ses sculptures associent corps fragmentés et matériaux pour traduire des états mentaux sensibles et perméables à la multiplicité des registres avec lesquels les consciences contemporaines jonglent au quotidien. Entre minutie et spontanéité, elles donnent forme à une pensée en mouvement.
Virgile Desbat
Revisitant les codes du film adolescent à travers une écriture cinématographique concise et pleine de références à la culture populaire, Virgile Desbat détourne les enjeux de la comédie pour inventer un langage alternatif du drame. En maintenant la violence hors champ, il donne une réalité concrète à la perception forcément lacunaire de la manipulation et de l’emprise, reflet insidieux d’un imaginaire collectif enté par des codes qui l’aveuglent.
Ladji Diaby
De l’abandon à la sacralisation, Ladji Diaby compose des installations à partir d’objets trouvés, assemblés en formes à la dimension presque rituelle. Par la précision de ses associations, il transforme des éléments épars en dispositifs chargés de poésie, à l’intersection du spirituel et du politique. L’objet, modifié, devient le véhicule à un imaginaire qui l’ingère et l’emporte dans une reconstruction possible des structures du monde à travers des monuments singuliers, à taille humaine et à l’échelle de notre présent, baptisée par une simple date, celle peut-être de leur entrée dans le sien. G.B.
James Dosa
À travers le montage d’images issues de la culture populaire James Dosa questionne les normes familiales et les modèles de masculinité. Dans ses juxtapositions d’une efficacité saisissante (la conjonction de la brique de lait Viva et du gant Mapa réveille une âpre poésie de la nostalgie), il confronte les focales et les genres aux stases de l’observation à échelle de l’enfance. Un travail superbe où les signes deviennent icones et les normes, cassées, se reconstruisent par leurs stigmates, faisant de la fragilité, voire du manque, un espace de transformation possible. G.B.
Marine Ducroux-Gazio
De l’absence d’aspérité à la mise en scène déceptive de l’attente, Marine Ducroux-Gazio instaure des situations de temps suspendu, faites de répétition et de glissement dont le sens, à inventer, passe par l’accumulation des doutes. Son travail interroge la croyance, l’illusion et notre propre perception du changement, dans un monde dont elle met en cause les principes de d’écoulement du temps.
Yann Fonseca Rodrigues
Yann Fonseca Rodrigues brouille les frontières entre art, mode et performance et pratique même de l’exposition. En transformant peintures et sculptures en vêtements ou accessoires, il crée des créations à activer au long de situations discrètes où les corps participent à la construction progressive d’images nourries de nouvelles causalités, celles de son œuvre.
Helena Fourmont
Par soustraction et en négatif, Helena Fourmont travaille les matériaux industriels ramenés à leur nature de médium. En suivant les signes présents dans les bois, elle fait émerger des surfaces complexes évoquant des structures minérales ou des labyrinthes, prolongeant ce geste jusque dans l’espace d’exposition. D’une portée philosophique sidérante, ses trous qui ne mènent nulle part rebroussent la notion même de progression en révélant la vacuité de ses arrière-mondes. Creusée, fouillée, l’acte d’exposer devient un engagement total et crée un espace entier, sans échappatoire. G.B.
Cléopatra Gones
Les installations par assemblage et collage de Cléopatra Gones interrogeant les héritages coloniaux et leurs persistances contemporaines en composant des mises en scène troublantes où les corps sont parcourus de signes dont la contradiction renvoie à l’histoire. En détournant des objets liés au soin et à la beauté, elle fragmente les représentations normées de la féminité noire pour aborder la complexité d’une émancipation dont l’ambiguïté entre pouvoir et séduction constitue le moteur. G.B.
Hugo Hectus
Les objets sculptures d’Hugo Hectus traitent le langage comme une matière malléable, privée de sens immédiat mais participant d’une structure matérielle définie. Ses installations convoquent des lettres sans mots qui déjouent leur inscription dans le champ de l’exposition et maintiennent une tension qui engage le regardeur dans une relation active avec l’œuvre. Qu’elle ne résout qu’à demi, préservant un mystère renvoyant aux espaces que nous habitons, perclus de signes et signatures urbaines devenues architectures de notre imaginaire.
Sanggu Kim
S’il provoque artificiellement le vieillissement du papier par l’usage contrôlé de la lumière, Sanggu Kim s’attache au doute qu’entretient la jeunesse de technologies en plein essor. Son travail, nourri par la physique quantique, observe les effets du temps et de l’accélération, proposant une attention sensible portée au présent, devenu objet d’expérimentation et sujet de réflexion.
Arya K/Nell
L’autel païen dressé dans l’obscurité d’Arya K/Nell marque l’exposition de sa force plastique indéniable. Développant des installations et performances autour de la transformation et de la reconstruction, elle conçoit un œuvre qui navigue entre hommage à des entités préexistantes et un présent qui déjà s’effacer dans l’obscurité de sa rage. Une esthétique de la collision aux allures de dernier passage en revue d’un monde dont les images, elles-mêmes, s’effacent derrière le vacarme de son effondrement. Pour aller peut-être, vers une renaissance collective. G.B.
Adrien Lagrange
Explorant la violence discrète des espaces contemporains à travers la sculpture et l’installation, Adrien Lagrange met en scène un dispositif énigmatique au statut indéfini. Espace architectural minimalisé jusqu’à la brutalité, son œuvre se fait support jusqu’à laisser transparaitre sa nature « supportée » par un contexte d’exposition qui, seul, valide sa fonctionnalité. En mettant en tension les indices de l’architecture urbaine et le minimalisme, il ouvre une réflexion sur les projets sociaux du XXe siècle et leur formalisme insidieusement rentré jusque dans les corps de ceux qui y vivent.
Ibrahim Meïté Sikely
Ibrahim Meïté Sikely revendique une peinture « turbulente » dont la part spectaculaire naît en grande partie de l’approche “panthéonique” de son entourage (et de son intimité). Naïveté et grotesque rythment les temporalités de composition où les signes, perceptibles ou secrets, recomposent une peinture de codes, loin des systèmes de domination culturelle traditionnels. Sans s’exempter pour autant d’icones, sa peinture offre ainsi chaque fois une allégorie joyeuse ou édifiante des sujets dont il s’empare.
Winca Mendy
Par son jeu de succession d’esthétiques de l’archive, Winca Mendy produit des images qui compulsent l’histoire pour tente de capturer des forces invisibles ou muettes. En dialogue avec les logiques algorithmiques contemporaines et les réflexions à portée émancipatrice, il utilise le lexique photographique pour formuler une vision toute personnelle de ces nouvelles circulations du pouvoir en y inséminant à son tour sa propre personnalité, ses croyances et les relents de mythologies qui en prolongent l’écho.
Salomé Moindjie-Gallet
Salomé Moindjie-Gallet construit un cinéma de l’errance et de l’attention flottante où le montage, sensible, s’accorde à la divagation ouverte d’un script sans résolution. Porté par le défilement continu, l’image file et fait du doute la résolution essentielle de ses vidéos. Un cinéma sans écriture où le silence et le refus de toute conclusion définitive déplace la question de l’engagement politique et lui substitue une ambition formaliste.
Viktoriia Oreshko
Viktoriia Oreshko place sa peinture figurative dans l’horizon de la guerre en en représentant la marge silencieuse, porteuse de sa trace, de ses stigmates, ou dans l’attente atone de sa fin. Sans la représenter frontalement, l’artiste compose des intérieurs dépouillés et précaires qui, malgré la dramaturgie sourde qui les entoure, gardent les signes d’une vie en cours. Une fragile protection, où la vie semble toujours sur le point de basculer, avec une égale et tragique probabilité.
Liselor Perez
Liselor Perez interroge l’identité comme assemblage fragile à travers installations et dessins mettant en scène des points limite entre architecture et organisme. L’espace domestique, personnifié, l’artiste laisse planer le doute quant à l’interprétation d’une fantaisie à l’imaginaire fertile et prise au piège d’un imaginaire par son environnement immédiat obligeant le corps à devenir soutien, malgré lui, de l’ensemble de ses proches. Modification existentielle ou persévérance du traumatisme, la transformation de la chair et des organes met toujours en jeu ce corps dont la liberté est toujours entravée. G.B.
Caroline Rambaud
Par la frontalité, Caroline Rambaud opère une mise en cause de son spectateur en le confrontant à une violence sensorielle initiale avant d’ouvrir un espace de reconstruction. En dialoguant avec le cinéma d’angoisse et une esthétique pop diluant l’image, son installation se concentre sur l’expérience de visionnage et son impact sur certaines vies.
Rose Ras
Rose Ras traduit picturalement des forces climatiques et telluriques puissantes qu’elle retranscrit en trouant des panneaux de bois à l’affleureuse. Paré de cette circularité qui engage le corps de l’artiste, le tableau supporte une géographie irréelle de reliefs dont il est pourtant un reflet. Car l’artiste creuse à travers une image initiale les marques d’un environnement qui, s’il constitue une menace, érige également un lien entre les imaginaires.
Apolline Régent
Dans une explosion du sens des sens, des origines (voire des destinations) de ses créations, Apolline Régent réactive un esprit de la dérision, de l’invention et de la liberté créative qui opère comme un sas d’« extraodinarisation » du banal. Les mots, couleurs, images et matière résonnent au rythme syncopé d’un accrochage qui nous parle autant d’instants que d’une vie. Sujettes aux situations et aux humeurs, ses œuvres nous jettent dans un présent détourné par sa manière de jongler avec les valeurs, les supports et la fragilisation des frontières du geste. Passent ainsi du fantasme d’une expressivité toute puissante à la mise en scène de son recouvrement anarcho-ironique, le grotesque de cette accumulation révèle une beauté en déséquilibre ; reflet peut-être de notre propre rapport aux injonctions du beau. G.B.
Yi Ye
Yi Ye met en scène la contrainte imposée par les espaces contemporains, leurs délimitations et les moyens d’en brouiller l’impossible neutralité. Par des assemblages inattendus, il introduit dans le contraste des matières et des formes une incongruité qui plonge le visiteur au cœur d’une science-fiction absconse où les codes graphiques, stylisés, marquent une rupture définitive avec leur uniformité normative.
Yietnu (Zhang Yi & Ha Nu)
Yietnu, duo composé des artistes Zhang Yi & Ha Nu développe des récits fictionnels pour interroger histoire, écologie et mutations contemporaines. Leur installation immersive mêle mythe et enquête, mouvement d’image et fixité d’objets brouillant les temporalités et le message d’une pensée qui explore les menaces concrètes pesant sur nos sociétés.
Felicità 2025, du 26 novembre au 1er février 2026 — Beaux-Arts de Paris, 13 quai Malaquais, 75006 Paris