
Door to the Cosmos — Galerie Mariane Ibrahim
Dérives de rêves cosmiques et profondeur de la douleur se croisent dans la nouvelle exposition thématique de la galerie Mariane Ibrahim, Door to the Cosmos qui réunit quatre artistes, Nick Cave, George Clinton, Michi Meko et Zohra Opoku.
Absorbé d’entrée par un châtoyant cyclone de l’artiste Nick Cave, dont la nature ambivalente, fondée sur la réunion de données issues de dangereux phénomènes climatiques et de scanners cérébraux de jeunes hommes noirs souffrant de syndromes post-traumatiques, emmêle les champs symboliques, le visiteur se perd dans des volutes et volumes d’une nature plurielle. Ancrés dans le vocabulaire décoratif, de la parure au vêtement, ses matériaux se confondent ici avec la chaleur d’un système organique, informe et pourtant presque animal.
Une dérive à l’œuvre également dans le travail de Michi Meko, qui, à la représentation frontale du céleste, surimpose l’abstraction géométrique de lignes cartographiques, les effets ornementaux d’une vision plus romantique et des fils de pêche emmêlés, autant de points de repère que d’accidents essentiels d’une harmonie impossible. Leur dénomination, en anglais, Backlash, traduit la portée symbolique et historique d’un rapport blessé à un réel discordant.
Autant de raisons d’en imaginer la fuite, même si la route n’en est pas moins tortueuse. C’est ainsi que le visiteur se voit ensuite invité à se mesurer à la parabole du jugement d’Osiris, épreuve dans laquelle Anubis opère la pesée du cœur des défunts, autorisant ou non leur entrée au sein du royaume des morts selon le verdict de sa balance. Réinterprétée dans un vibrant tableau de Zohra Opoku, la parabole devient le défi d’une rationalité confrontée à la fragilité de la vie, à la délicatesse du matériau textile et à l’intensité des sentiments, à la rigueur de motifs obsessifs et noueux noyés sous les flots d’un océan devenu théâtre d’envolées sidérales.
Abysses et abîmes se font face dans cette mise en espace d’un cosmos qui unit la transcendance au charnel, l’horizontalité de l’immanence à l’éther de l’allégorie. De ce paradoxe fertile, l’exposition propose une issue comme une délicieuse et délirante synthèse, à travers les surprenants autoportraits en chien de George Clinton, figure majeure de la musique moderne (entre autres), dont la variation picturale libre autour de cette figure obéit à une vision unifiante et positive du monde. La scénographie de cette dernière salle, bien pensée, fait varier la valeur protocolaire du médium peinture et donne un formidable souffle à ce travail à la fougue éminemment contemporaine.
Conclusion jouissive et percussive d’un très beau parcours qui, à travers quatre voix singulières maniant avec force les strates discordantes du réel et du symbole, emmêle les notions de création, de vie, de forme, de rêve, d’invention et de déconstruction pour retrouver une plus grande unité, sans l’uniformiser. Celle d’un cosmos universel où le sentiment s’empare du cadre pour forcer le regard à se confronter à ce qui lui est le plus immédiat, quelle qu’en soit la dureté ; où vie, survie et fin, par essence, se nourrissent et se tiennent plus qu’elles ne se suivent.
Door to the Cosmos : exposition collective, Galerie Mariane Ibrahim, 18 avenue Matignon, 75008 Paris — Du mardi au samedi de 11h à 19h — 18 octobre — 13 décembre 2025