Philippe Cognée à l’école des Beaux-Arts de Paris
Si l’on ne peut que s’étonner de la promiscuité et de la brièveté de cette « première exposition » de Philippe Cognée dans une « institution parisienne », sa démonstration est éloquente. Philippe Cognée est un grand peintre qui n’a guère besoin que de quelques traits pour toucher sa cible. De la simple ébauche à l’œuvre définitive, son originalité et sa maîtrise s’imposent d’emblée et dessinent un univers graphique d’une force inouïe.
« Philippe Cognée — Dessins », École nationale des Beaux Arts de Paris — Cabinet des dessins du 22 mai au 19 juillet 2013. En savoir plus La technique de l’artiste, qui consiste à peindre à l’encaustique pour ensuite voir la peinture réagir à l’application d’un fer à repasser appliqué sur la toile laisse place, dans ces œuvres sur papier, à une véritable visée esthétique et formelle. Ici, les pleins et les fondus se répondent, les sujets et les esquisses alternent pour dévoiler toute la finesse d’expérimentation de Philippe Cognée.Etonnamment, cette multiplication de dessins et d’esquisses prend corps derrière les vitrines intimistes du cabinet de dessins Jean Bonna et, loin de constituer de simples études pour des peintures à venir, développe un langage complémentaire qui paraîtrait presque, rétrospectivement, indispensable à l’appréhension de son œuvre peinte. Les sujets, certes déjà croisés dans ses peintures, acquièrent, dans leur répétition, leur variation et leur expérimentation une force brute où chaque trait, chaque trace, semble recéler une profondeur infinie.
Crânes humains, paysages urbains désertés, containers, c’est pourtant face à un étrange bonheur que ces œuvres nous confrontent ;
ces images sans mots nous charrient et nous chavirent dans le silence de leurs coulures figées dans le papier. Et si les couleurs vives sont, elles, moins présentes qu’à l’accoutumée dans les travaux présentées, les teintes s’effilent et s’infléchissent à travers le jeu subtil des matières pour recouvrer une complexité jouissive tout entière mise au service de l’image, de son idée certaine de la beauté.
Malgré donc le très faible nombre d’œuvres présentées, l’étroitesse de l’espace, le prix relativement élevé de l’entrée, cette présentation ose une incursion audacieuse et dévoile un pan inattendu de l’œuvre d’un grand artiste. Elle rappelle surtout l’urgence qu’il y a à faire découvrir le travail de Philippe Cognée au plus grand nombre.