Tacita Dean, JG — Galerie Marian Goodman
Tacita Dean voue un amour particulier à la pellicule qu’elle soit en format 8, 16 ou encore 35 mm, au point de lui rendre hommage à travers FILM, son monolithe exposé dans le Turbine Hall de la Tate Modern en 2012 ou de proposer à l’UNESCO de classer ce médium comme patrimoine culturel immatériel.
« Tacita Dean — JG », Galerie Marian Goodman du 15 janvier au 1 mars 2014. En savoir plus Loin de sacraliser ce support d’enregistrement caractéristique, l’artiste veut surtout éveiller notre intérêt sur les capacités spécifiques de la pellicule argentique. Pour son exposition personnelle à la galerie Marian Goodman à Paris, elle poursuit cette démarche de revalorisation, par un tout nouveau spectre, celui de sa relation amicale et épistolaire avec James Graham Ballard. De cette correspondance, nous ne verrons rien, le texte accompagnant l’exposition nous apprend juste que J.G. Ballard était au même titre que Tacita Dean fasciné par les œuvres du land artist Robert Smithson. Pendant plusieurs années, ils vont échanger autour de cette passion commune, allant jusqu’à émettre l’idée que la Spiral Jetty ait pu être imaginée suite à la lecture de The Voices of Time 1 écrit par J.G. Ballard en 1960. Une théorie que semble confirmer la découverte du livre parmi les affaires personnelles de l’artiste. En 1997, Tacita Dean décide d’aller dans le désert salé de l’Utah afin d’apercevoir la spirale, malheureusement elle ne la trouvera pas car elle est encore complètement immergée à cette période. De ce voyage, elle ramène tout de même un enregistrement sonore qui deviendra Trying to Find the Spiral Jetty. Cette quête va se complexifier par le défi que lui lance J.G Ballard quelques années plus tard : « Traitez la comme un mystère que votre film résoudra.»2Telle est donc l’ambition du film présenté dans l’exposition JG ! Un double hommage à Ballard et Smithson sous forme de panorama donnant à voir les étendues désertiques et lacs salés de l’Utah et de Californie, mais réduire cette œuvre à une simple énumération de paysages serait omettre l’élément principal de cette exposition qui n’est autre que le temps, car l’expérimenter est l’obsession principale de Tacita Dean et la pellicule retient d’autant plus son attention puisqu’elle l’enregistre tout en disparaissant peu à peu à chaque projection. Elle intervient aussi sur la structure même du film, par l’ajout d’encoches quelque peu esthétisantes qui caractérisent la pellicule et par la division de l’image en trois parties installant, de fait, une dimension narrative. Son film JG a été élaboré en plusieurs fois, la pellicule 35mm est d’abord masquée puis utilisée une deuxième fois afin de créer, au hasard du tournage, des surimpressions d’images, des collages expérimentaux version technicolor.
Ainsi le film revêt un aspect kaléidoscopique dont le rôle principal est joué par le temps… Ce n’est donc certainement pas lié au hasard si la forme hélicoïdale de la pellicule vient mettre en application les écrits de Smithson3 en s’accordant parfaitement avec les contours de la Spiral Jetty !
1 Dans The Voices of Time, Powers, le personnage principal vit dans un paysage de collines de sel similaire aux déserts californiens, il rend visite à un ami qui habite dans une maison dont la structure bizarre et spiralée est censée représenter la racine carrée de -1.
2 Extrait d’une lettre du 4 Décembre 2007 écrite par J.G Ballard et adressée à Tacita Dean.
3 « Pour mon film (un film est une spirale faite d’images successives), je me ferai filmer d’un hélicoptère (du grec helix, helikos signifiant spirale) », Spiral Jetty, Robert Smithson, 1970, 16 mm, 34’52’’.